Une proposition de loi relative à l’exercice des missions des architectes des bâtiments de France (ABF) a été déposée au Sénat le 9 décembre dernier. Elle concerne notamment la procédure de création des périmètres délimités des abords (PDA) et le rôle de l’ABF dans ce cadre. Consulter le texte sur le site du Sénat
Cette loi fait suite aux réflexions qui ont été lancées le 28 février 2024 par la mission d’information sur le périmètre d’intervention et les compétences des ABF et aux conclusions qui ont été présentées dans le rapport d’information publié le 25 septembre 2024 (Lire Publication du rapport sur les missions des ABF – Analyse de la Demeure Historique du 12 décembre 2024).
En tant qu’association nationale reconnue d’utilité publique, la Demeure Historique a été auditionnée par M. Pierre-Jean Verzelen, Sénateur de l’Aisne et Rapporteur pour la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat, le 20 février dernier.
Le texte prévoit notamment :
- de supprimer la consultation du propriétaire ou de l’affectataire du monument historique à l’occasion de l’enquête publique menée lors de la création d’un PDA :
Cette consultation ajoutée en 2016 lors de travaux parlementaires sur la loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP), grâce notamment à l’action de la Demeure Historique, permet au propriétaire-gestionnaire, responsable de la bonne conservation du monument historique générant la servitude des abords, de disposer d’une voix pour s’exprimer et permettre ainsi de bien identifier les espaces à intégrer dans le périmètre des abords, même si in fine l’administration reste décisionnaire. Cela participe au dialogue entre tous les acteurs.
A ce stade, la Demeure historique a donc fait savoir qu’elle était opposée à sa suppression mais elle reste ouverte à l’étude d’autres mécanismes, qui permettraient de lever certains blocages (identifiés en pratique) dès lors que le propriétaire-gestionnaire du monument historique concerné puisse toujours exprimer son point de vue.
- de supprimer l’enquête publique lorsque la création du PDA n’est pas concomitante à la mise en place ou à la révision des documents d’urbanisme ;
Pour la Demeure Historique, cette proposition est dangereuse, en ce qu’elle va créer deux typologies de PDA. Certains soumis à enquête publique, et d’autres non, engendrant ainsi une rupture d’égalité et des servitudes à double niveau, alors que les PDA sont des servitudes d’utilité publique qui s’imposent aux documents d’urbanisme et aux pétitionnaires.
- la possibilité d’assortir le PDA d’un règlement, soumis à enquête publique :
En l’attente de précisions sur les attendus de ce règlement, la Demeure Historique s’interroge sur la pertinence d’une telle mesure dès lors que les élus ont déjà la possibilité de modifier le règlement du PLU(i) afin d’intégrer des règles spécifiques liées notamment aux matériaux ou apparence des constructions, permettant d’améliorer la lisibilité des exigences des ABF dans les espaces protégés.
- la création d’une commission départementale ad hoc pour favoriser le règlement des litiges liées aux avis des ABF dans les abords :
Se pose ici la question de la pertinence d’un tel objectif, contraire à l’esprit de simplification voulu par le texte dès lors qu’il existe déjà la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA), commission idoine pour gérer le recours préalable obligatoire auprès du préfet de région prévu par l’article L632-2 du Code du patrimoine. Même si les élus peuvent se sentir dépossédés des enjeux territoriaux qui les concernent, l’échelon régional permet de prendre de la hauteur et de dépassionner les débats et éventuels conflits d’intérêts sur des projets d’urbanisme, et faciliter une prise de décision objective.
- la création d’un registre national gratuit mettant à disposition sous format numérique les avis des ABF :
La Demeure Historique a émis un avis favorable sur cette mesure qui participe à la transparence des avis rendus par les ABF Dans le cadre du régime des abords. Elle a proposé d’examiner la possibilité d’un recours préalable par le propriétaire-gestionnaire du monument ayant généré la servitude des abords, dans le cas d’un avis tacite de l’ABF.
Le propriétaire pourrait alors utilement alerter les services de l’Etat (préfet de région) sur un projet non compatible avec cet espace protégé et portant atteinte au monument. Cela permettrait également de réduire les contentieux, dans cet esprit de compromis et de médiation porté par le texte.
Globalement, ce texte en l’état ne nous semble pas satisfaisant, car même s’il contient des pistes de réflexions intéressantes, c’est un nouveau coup de boutoir au dispositif des abords, déjà largement fragilisé par la loi ELAN de 2018. Cette audition a d’ailleurs permis à la Demeure Historique de faire part de ses vives inquiétudes à la commission sur ce problème général de pérennisation du régime des abords.
La Demeure Historique reste vigilante sur l’évolution de ce texte qui doit être examiné en séance publique le 19 mars.